Sans Détour, un succès surprise?

J’ai décidé d’écrire cet article « à froid » une fois toute la « hype » sur leur campagne de crowdfunding passée. Il est intéressant car il fait étonnamment écho à ce que je disais dans mes articles « JDR2.0 : Echec Critique » et « Financement participe-hâtif ? ». Bonne lecture ! 

Une campagne bien menée

Retour sur les faits : Sans Détour, l’éditeur de l’Appel de Cthullhu, probablement mon JDR préféré, s’est lancé dans une campagne Ulule. Personnellement je suis fan de ce que fait cet éditeur. Leurs jeux sont complets, extrêmement bien maquettés et leur talent d’écriture n’est plus à prouver. J’ai eu l’occasion à deux reprises de les rencontrer et ils se sont avérés être des gens sympathiques, aimables ouverts et drôles. Alors évidemment, lorsque j’ai appris l’arrivée prochaine d’une nouvelle édition (la 7°), j’étais aux anges ! Surtout que Sans Détour nous a habitué à des éditions limitées de grande qualité et je m’attendais donc à du grand spectacle.

Et je n’ai pas été déçu : l’édition Prestige proposée était vraiment très qualitative. Belle présentation, contenu unique intéressant, paliers alléchants inclus. Bref, tout pour faire craquer, à un prix « relatif » assez bas. Les nouvelles illustrations semblent toutes vraiment belles ; le contenu bien fichu et surtout la rétrocompatibilité ont fini de me convaincre que tout cela valait vraiment la peine et que l’édition marquerait son temps.

La campagne a donc démarré sur les chapeaux de roues. En effet, l’éditeur demandait 10.000€ comme somme de départ pour l’aider à boucler cette fameuse V7. L’objectif fut atteint en pas moins de 25 minutes sur les 30 jours prévus ! Commence alors la valse des paliers tous plus invraisemblables les uns que les autres. S’ajoute à chaque fois du contenu à l’édition prestige, qui finit par être un réel bon investissement, avec à vue de nez plus de 300€ de matos pour 170€ (frais de port compris). J’étais aux anges, surtout qu’autour de cela s’est créée une vraie émulsion, en témoigne le nombre incroyable de commentaires et d’interactions entre participants mais aussi avec l’éditeur, celui-ci ayant modifié et ajouté des contreparties en fonction de ce qu’il se disait.

De plus, l’éditeur a fait preuve d’un bel effort pour être présent sur les réseaux et dans les différents médias disponibles (blogs, presse spécialisée). C’est d’ailleurs ce qui m’amène à la seconde partie :

Une campagne trop bien menée ?

Plusieurs choses m’interpellent : L’objectif de la campagne était-il réaliste ? Sans-Détour est tout à fait au courant des volumes de vente qu’il fait habituellement, et proposer une somme de départ si basse était à mon avis soit un manque de confiance en ses clients soit un pur coup de com’. Ce qui me mène à me demander pourquoi des contreparties jusqu’à 400 000€ étaient disponibles alors que leur objectif initial était 40 fois inférieur (soit une réussite de plus  4000%!!). On sait que certains projets explosent sur les sites de crowdfunding, mais se positionner dès le départ  comme envisageant de dépasser autant son budget initial, c’est discutable. D’autant que ces contreparties sont arrivées vites, et non comme si elles avaient réellement surpris l’éditeur. Qui sait ce qui nous attendait si les 400.000 avaient été dépassés plus tôt ?

On a pu voir aussi, comme je le disait juste avant, un bel exemple de suivi en ligne sur les réseaux sociaux, habituellement peu investis par l’éditeur. Suivi en temps réel, revue de presse, relances : tout y était. A croire que l’éditeur a engagé un Community Manager sur la période du financement, ce qui n’est pas un mal, loin de là ! Enfin une campagne de relations presse semble avoir été mise en place, en témoignent les très nombreux relais qui se sont fait sur cette campagne (je mets une petite liste non-exhaustive en fin d’article).

Un exemple à suivre ?

Au final, je ne peux que me réjouir du succès de cette campagne ! Tant sur un aspect purement rôliste, car l’édition ainsi proposée est richement augmentée et témoigne d’une réelle mobilisation de la communauté lorsqu’elle le veut. Et sur un aspect communicationnel, car Sans Détour à fait la preuve (comme je le suggérais ici ) qu’une bonne campagne de communication et de marketing (appelons un chat un chat et un Grand Ancien un Grand Ancien) n’est pas irréalisable. Mieux, cela porte ses fruits ! L’éditeur a parfaitement réussi son opération et c’est exactement ce que je voulais voir faire.

En revanche, je reste circonspect sur la grosse prolifération de financement participatifs que l’on voit fleurir un peu partout, car voir ce modèle devenir une norme m’inquiète. Il faut dire qu’en passant par du crowdfunding, on court-circuite les boutiques, piliers de la culture rôliste. Certains prennent cela en compte, comme Raise Dead et le financement du retour d’INS/MV qui comporte des contreparties dédiées aux boutiques ou encore Knight et ses contreparties boutiques.

Enfin pour finir, je tiens à réitérer mon affection pour Sans Détour, ses produits et sa philosphie. Il me semblait important de revenir sur cette campagne qui a fait tant de bruit. Espérons maintenant que tout cela va se pérenniser…

Merci de m’avoir lu et n’hésitez pas à commenter cet article, le partager s’il vous a plu et me suivre sur Twitter notamment ! =) 

Guillaume Coeymans

Sources – Revue de presse :

http://www.scifi-universe.com/actualites/15287/l-appel-de-cthulhu-v7-la-souscription-est-terminee

http://www.actusf.com/spip/breve-16203.html

Un crowdfunding pour la 7e edition française de L’Appel de Cthulhu

http://www.trictrac.net/forum/viewtopic.php?f=29&t=146583

et bieeeeeen d’autres 🙂

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8 réflexions sur « Sans Détour, un succès surprise? »

  1. Je te suis à 100 % pour tout cela, le positif comme la partie sans surprise. C’est une campagne marketing rondement menée et je ne crois pas plus que toi à l’aspect surprise, vu la vitesse de réaction de leur part. Là fait étrange ils ne sont quasi plus présent, sans doute trop occupé à d’autres choses. Seul bémol et de taille sans détours n’a pas intégré l’aspect boutique alors que sans eux ben moins suppléments pourrait se vendre . Bref pour ma part c’est un peu craché dans la soupe et oublier les compagnons de route qui ont quand même bien aidé à faire de cette société ce qu’elle est aujourd’hui, c’est pour ma part dommage pour ne pas utiliser un autre terme.

  2. Perso, je suis plus nuancé… ^^
    —En effet, L’idée du CF pour lancer du JdR sur le commerce me semble plutôt bien utile, car ils avaient le budget nécessaire avant (le succès du CF ne mettait pas en peril la V7 ont -ils dit), mais en ces temps où le jdr redevient une activité de niche (il l’a toujours plus ou moins été, mais les nouveaux rôlistes sont plus rares, et l’engouement n’est plus le même), la question du budget n’est pas la seule importante: le succès publique en est un aussi… et le CF permet de mesurer partiellement cet accueil, je pense mieux qu’un sondage, car il s’agit d’un engagement financier des « sondés ». Du coup oui, c’est notamment de la comm’.
    —Pourquoi partir si bas? Pour moi c’est surtout du bon sens. En effet, jdr ou pas, si je crée un CF pour financer mon projet, je m’arrange pour que le premier palier soit le plus bas possible, m’autorisant tout de même a boucler mon budget, afin de multiplier mes chances de le valider et donc de financer mon projet. Pas mal de CF dans mon entourage ont capotés à cause d’un premier palier « idéalisé » mais non réalisé car trop élevé.
    —Enfin, ce mode de financement à permis aux fans de s’approprier le contenu, on a vus comme leurs commentaires ont influencé le contenu de la Prestige, et même après, SD est revenu vers nous pour nous demander encore des avis. L’aspect participatif et assez mis en valeur, et ca c’est plus intelligent à mon sens.

    Leur silence, ou plutôt, comm ralentie, actuel ne m’inquiète pas trop. Je préfère qu’ils bossent à fond maintenant, et recevoir ma Prestige à l’heure, plutôt que de me retrouver à avoir investi 170€ (qui les valent largement!!!), et attendre mon précieux des mois dans l’obscurité…. 😉

    Pour l’aspect boutique, oui, les revendeurs sont court-circuités pour les 400 premieres prestiges vendues… etc. Toute fois, il faut être un peu tolérant, ce n’est pas comme si SD cherchait à tuer les boutiques… Lorsque les editeurs ne se sentent pas concernés par leur public, ont le leur reproche, et quand de temps en temps, il s’y consacre, on le leur reproche…
    Les boutiques vendront les suppléments qui sortiront après les bouquins de base, qui auront peut etre une plus grande portée car justement ces derniers se sont vendus par le biais communautaire.

    Moi même, je n’aurais probablement pas pris la V7 si dans mon réseaux, je n’avais pas vu cette opportunité. Et je ne craque pas dans les boutiques facilement… donc je ne pense pas que les choses soit si binaire que cela, et même si elles le sont, SD ne fait pas de sa politique principale de TOUT financer en CF et de se passer des boutiques… juste de lancer un gamme avec son public de temps en temps… 😉 en temps que public, cela me plait… et mes boutiques préférées continuent de me voir, pour compléter mes gammes uniquement chez elles (pas de net pour moi, sauf sur l’introuvable en boutique et le oldie).

    En tout cas, merci SD, merci à toi aussi pour cet article qui permet de prendre du recul!

    1. Merci de ton commentaire très intéressant !
      Tu as raison dans ce que dis, mais je ne suis pas catégorique, j’ai juste quelques inquiétudes quand à la forme que va prendre le marché dans les années à venir. Je pense qu’on ne peut pas vraiment prévoir, juste conjecturer 😉

      1. Oui, j’ai tenté de ne pas être péremptoire car tu n’etais pas catégorique…

        Pour ma conjecture sur l’avenir, je pense que de toute façon, le declin des boutiques et plutôt une certitude malheureusement…
        J’ai vu que tu es bordelais, tout comme moi, et donc je vais faire référence au lent déclin de L’antre des Dragons, qui était le temple du jdr, quasi exhaustif, import inside, etc. Une référence pour tout le monde… Mais le Magasin Descartes à fermé (pour réouvrir plus tard orienté jeux de société plus que jdr), et ce fut le marqueur de l’amaigrissement inexorable de la réduction de l’equipe de l’antre de trois, à deux, puis un seul membre, qui finalement à fermé boutique. Reste Descartes qui fait aussi du jeux de société, et un peu de jdr… mais rien d’exhaustif, plus d’import (qu’il faisaient aussi avant), etc. Il tiennent en jdr grace au jeux de societe et wargames.
        Est apparu Game Fu entre temps, qui est avant tout éditeur… et qui fait aussi du jeu vidéo.
        La vérité selon moi, c’est que le jdr est marginal dans les boutique, qu’elles sont forcée de le placer en activité secondaire à côté d’un autre segment de produits plus grand public, ce qui se comprend. (jeux vidéo, edition, jeu de société, etc.). (Du coup j’en reviens à SD, le manque a gagner pour une boutique me semble d’autant plus marginal pour les boutique sur la V7 en CF).

        Résultat, il devient dur de trouver certains jeux neufs, récents, en boutique, et le net prends de plus en plus le relais.

        Et la je conclu… le Jdr est activité par essence communautaire. Pas fermé pour un sou, mais communautaire. Et si le nouveau modèle du marché, c’est un CF editeur/public, ça m’intéresse car je pense que pour compenser la perte des boutique, c’est surement la relation la plus valorisante pour le public, qui aime rencontrer les auteurs en conventions, et a l’habitude que les équipes de création des jdr soient accessibles, car le jdr est une activité qui se partage.
        Je préfère cela à un modèle pure player, composé de LudikBazaar et consorts, que je respecte, ni ne dénigre, tant on y trouve plein de perles. Mais qui à mon sens, ne permettent pas la relation à l’amont du jdr, et la relation « vendeur », que l’on aime avoir en boutique, à délirer sur un jeu, feuilleter, chopper des infos « secrete » lachées par le vendeur qui les a eu en conversant avec l’editeur, etc…

        Ma plus grande crainte aujourd’hui et la limitation du jdr aux gros titres, excellent au demeurant, mais occultant de leur immondes tentacules gluant des jeux perles, comme a pu l’être Agone, car aujourd’hui, on ne trouve que peu de nouveauté audacieuses en dehors des auto editions, et donc des jeux plus en péril que s’il était soutenu par un editeur plus solide qui permet à la gamme de se développer. Le CF permettra peut être de leur donner une sécurité supplémentaire en faisant appel à leur communauté (Agone à survécu 10 apres sa mort grace à la sienne!!), et permettre aux créateurs d’aller plus loin dans leur monde que s’ils restent en auto financement classique, sur une micro structure précaire…?

        Maintenant que j’ai relu ton article, je me dis que je vais lire les deux autre articles que tu cite en intro et que j’ai zappé en premiere lecture XD (je viens de decouvrir ton site par FB : SD à publié un lien vers cette page 😉 )

  3. Ton point de vue est juste 🙂 ça me fait toujours mal de repenser à l’Antre. Je n’avais pas pensé à faire le parallèle avec les pure players, à chaud ça ne me dérange pas trop, justement parce que ça peut maintenir ce taux de disponibilité de produits parfois rares. Par contre on perd le côté communautaire (pas de discussions sans fins sur le JDR, pas d’ateliers ou activités autour de ça).

    Le jeu « indépendant » je suis pas trop inquiet, i la toujours existé et existera toujours, mais à la marge de la marge ^^

    Sinon je te souhaite bonne lecture de ces articles ! Et oui SD m’a partagé et à fait exploser mes stats ^^’ ça fait plaisir d’être reconnu, alors que je ne suis pas spécialement tendre avec eux =)

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