Carton Rouge : Sans Détour, Mais où va-t-on ?

Ok alors aujourd’hui, je ne suis pas content. Sans Détour, éditeur de jeux de rôles ayant déjà fait sensation avec son crowdfunding pour la 7 édition de son jeu de rôles phare l’Appel de Cthulhu, lance un nouveau financement participatif pour une campagne inédite, les 5 supplices. Mais il y des choses qui me gênent méchamment ce coup-ci, je m’explique :

Précisions pour cet article, je pars du principe que vous avez lu mon article sur le CrowdFunding ou sur Sans Détour et son « succès surprise« , si ce n’est pas le cas, allez y jeter un œil =) 

Le « foulancement », comme on devrait dire en français, est un moyen de financer un projet qui n’existe pas et qui n’existerait pas sans ce système. Il permet ainsi de créer du contenu grâce à des fans.

Or l’éditeur est tombé dans un écueil qui est le suivant : le produit existe et le financement participatif n’est qu’un argument marketing. Explications :

Le produit est déjà financé, comme Sans Détour l’avait indiqué pendant la campagne de la V7, par l’argent de la précédente souscription. L’angle choisi est donc que si les joueurs souhaitent avoir tout le matériel, ils doivent souscrire. Tout le matériel existe déjà pourtant ! Les scénarios sont écrits, les partenaires trouvés, etc.

Qui plus est, l’objectif fixé est encore une fois terriblement bas ! Le premier palier était à 10 000 euros, sachant que la version la plus vendue (et non la plus financée, puisqu’on ne parle plus de financement ici mais de vente) est à 150€. Au vu des précédents succès, Sans Détour savait pertinemment que sa base de fans ferait tomber ce palier très vite (soit moins de 100 financements). A l’heure où j’écris ces lignes, on a dépassé les 80 000€ et le financement est à 823%. Ce qui est, soyons honnêtes, totalement absurde. La prise de risque est nulle, c’est donc à des années lumières de ce qu’est le financement participatif.

On n’est plus dans le financement d’un projet mais dans l’édition limitée déguisée. Je n’ai rien contre une édition limitée, j’en ai pas mal et je pleure celles que j’ai ratées, mais c’était des produits vendus clairement comme tels. Ici, je ne peux pas m’empêcher d’avoir l’impression de me faire avoir quelque part. Je n’ai plus l’impression d’aider une structure, vu que les produits existent. J’ai l’impression que l’on me « force » à payer pour avoir un produit complet, et que si je ne paye pas j’aurai une édition au rabais.

De plus Sans Détour profite de l’écho marketing qu’est « un financement participatif record ! » alors que l’on distord le concept pour en faire un outil marketing. Alors je pense qu’ils vont essayer de faire bonne impression à base de « on ne s’y attendait pas » et « on a pensé aux boutiques, des offres leur sont spécialement destinées ».

Comme le dit très bien Le Thiase, on n’aide pas une petite maison d’édition sur un JDR avant-gardiste mais l’un des JDR les plus populaires et les plus diffusés. Autant vendre les produits directement au prix fort, on aura l’impression que c’est honnête, même si c’est cher.

Bref pour conclure, je ne cautionne pas cette démarche et je prédis que si ce genre d’initiatives se multiplient, le monde du JDR va droit dans le mur, sans détour.

Guillaume Coeymans 

Financement participe-hâtif ?

J’ai eu l’idée de cet article en parcourant des sites de jeux de société et jeux de rôles. En effet, beaucoup utilisent le financement participatif de nos jours. Certains (comme les Ludopathes) s’en font même une spécialité. J’ai du coup décidé de revenir sur le sujet. Si j’ai voulu écrire cet article, c’est, entre autres, à cause de l’explosion du budget du jeu de plateau Conan qui a récolté pas moins de 2.8 millions de dollars sur un budget de 80.000$ demandés ! Autant sur un jeu vidéo, je peux comprendre que plus on a d’argent, plus on peut faire de choses, mais un jeu de plateau reste moins complexe à créer. La création d’un jeu de plateau ne demande pas presque 3 millions ! Et ce sans compter les ventes du jeu ! Que vont faire les créateurs de tout cet argent ? N’hésitez pas à me faire part de votre avis dans les commentaires =)  Bonne lecture ! 

Financement participatif, de quoi on parle ?

Le Monde explique le financement participatif ou crowdfunding comme étant un moyen pour des épargnants de financer en masse un projet via internet. Concrètement, il s’agit de faire une promesse de don à un projet en échange d’un accès dès la sortie de ce projet et de contreparties exclusives selon l’investissement de base (d’un simple remerciement à des cadeaux très chers). Ce type de financement connaît un certain engouement depuis quelques années, avec des sites comme l’incontournable américain Kickstater, le fleuron européen Ulule  ou KissKissBankBank.

Ces sites permettent à de gros projets d’exister, le cas notamment de l’Occulus Rift. Mieux encore, l’histoire d’un des plus retentissants succès Star Citizen  qui, après avoir atteint 2 millions d’euros (soit plus de 430% du budget demandé à la base), a fini par dépasser les 43 millions d’euros de dons ! Et ce n’est pas tout ! Le jeu vidéo a atteint les 70 millions de budget ! ce qui le met en concurrence avec les jeux Triple A (tels que Battlefield ou GTA).

Alors, bien entendu, tout n’est pas rose dans le monde du financement participatif. Pour des projets comme ceux-là, beaucoup n’arrivent pas à leurs objectifs ou y parviennent tout juste. D’autres abusent du système avec des projets absurdes (voir cet Américain et ses 35000$ pour faire une salade).

Globalement, je suis plutôt favorable au principe (j’ai moi même participé à quelques campagnes) mais je reste prudent quant aux dérives du système et au cadre judiciaire complexe.

 

Imaginaire Ludique et CrowdFunding : Exemples

On arrive donc à ce qui nous intéresse. Grâce à ces financements, des projets de petite ampleur peuvent trouver des fonds pour se lancer et vivre grâce à une base solide de fans. Cela paraît donc un système tout adapté aux jeux de rôles ou jeux de plateau. En effet, les fans peuvent être séduits par un concept et sont prêts à donner un peu pour aider à la publication de leur jeu. L’avantage est que, la plupart du temps, les budgets demandés sont relativement peu élevés (de 1500 à 10000€ en moyenne – même si il y a des exceptions). Comme je le disais plus haut, les Ludopathes (éditeur de jeu de rôle français) se sont spécialisés dans ce type de financement (20 projets en 3 ans). Ils créent du contenu de qualité et améliorent le contenu en fonction des objectifs dépassés (ou non).

Citons aussi Sans Détour-Play & Win qui s’est lancé depuis peu dans le financement de jeux de plateau par ce biais là, comme en témoigne leur projet Fireteam Zero et son étonnant succès.

 Perspectives

Il est intéressant de voir qu’en googlant « jeu de rôle financement » on trouve beaucoup de projets. C’est là que çà commence à sérieusement me gêner: ce type de financement ne doit pas devenir la norme. Je m’explique : il est impensable de voir les boutiques se vider de leurs jeux (mis à part les indétrônables, tels que Donjons et Dragons, Munchkin, etc….) au profit de jeux uniquement disponibles aux souscripteurs. Car au final, si cela se poursuit, que risque-t-il de se passer ? Les éditeurs ne prendront plus le risque de publier un livre ou une boite de jeu, sans compter les frais de distribution et les marges des magasins. Ils feront une campagne de crowfunding et fourniront directement par internet à leurs souscripteurs. Et comme leur communication laisse à désirer (j’en reparlerai plus tard dans un autre article) tout cela sera synonyme de renfermement sur soi et de privation de ventes grand public. J’extrapole, mais pas tant que ça … C’est clairement un risque sur ce domaine.

De même, qu’en sera-t-il de l’innovation si l’on doit toujours se fier à ses souscripteurs, qui plus est quand ceux-ci sont des habitués ? Est-ce que tout cela ne sera pas la porte ouverte à des clones réguliers ? Non, je ne pense pas que ça soit aussi marqué que ça. Par exemple 7eme cercle et son tout nouveau X-Corps reprend un squelette quasi identique d’un autre de leur jeu (Z-corps …) mais en sort un jeu relativement différent. Mais sans passer par le crowdfunding ! Alors qu’ils avaient su publier avant Night’s Black Agent (bel exemple de jeu innovant), toujours sans crowdfunding. Et ces jeux se vendent bien et se passent du crowdfunding.

J’entends les arguments exactement contraires me disant que justement, le financement participatif permet à des jeux réellement innovants et nouveaux de voir le jour. A cela, je réponds: l’imaginaire ludique est un monde de niche où ce genre d’innovation est parfaitement possible sans passer par le crowdfunding – en témoignent les publications d’Oltréé!, Dés de Sang ou Parsely. Ces Ovnis ludiques ne pourraient pas être publiés dans des secteurs plus « classiques » (édition traditionnelle notamment) car trop spécifiques et trop peu de chances d’avoir un grand nombre de ventes.

Là où le financement participatif a sa place, c’est à mon avis dans le « revival » de vieux jeux. Je pense surtout aux anciens jeux qui ont marqué leur temps mais qui, par manque de motivation et de financement, n’ont jamais pu être réédités. Le légendaire In nomine satanas / Magna Veritas (INS/MV) est en plein dans cette phase ou le retour de Saint Petersbourg début 2015. Grâce à cela les aficionados retrouvent leur jeu favori et leur distribution en magasin permet de le faire découvrir aux néophytes.

Je ne pense pas qu’il soit trop tard ou que le débat soit clos, bien au contraire. Il y a beaucoup à faire et plein de bonnes choses à prendre dans le crowdfunding. Mais cela doit se faire en bonne intelligence – au risque de s’égarer.

Merci de m’avoir lu, n’hésitez pas à commenter pour en discuter et à partager afin que le débat soit le plus riche possible ! 

 

Mise à jour 20/02 : 

Le lendemain de la publication de cet article, Sans Détour annonçait un financement participatif pour la 7eme édition de l’Appel de Cthullhu. Pour rappel, ce jeu est l’un des plus gros et plus ancien JDR et l’un des best sellers du genre. La question d’un financement participatif  se pose donc, est il nécessaire ? Sans Détour affirme que ce n’est pas pour gagner de l’argent mais juste pour permettre aux joueurs d’accéder à du contenu exclusif. Dans ce cas, pourquoi ne pas proposer plutôt des pré-commandes ? Certes avec cet éditeur nous avons une certaine garantie de qualité et je ne crie pas à l’arnaque. Cependant je me demande si il fallait vraiment en arriver la, effet de mode ou politique éditoriale ?

 

 

Guillaume Coeymans

 

Sources :

La finance participative est dans la place

http://www.jeuxvideo.com/news/410585/star-citizen-des-records-des-modules-et-des-potes-pour-la-vie.htm

http://www.jeuxvideo.com/jeux/pc/jeu-46472/news/?p=3

http://rue89.nouvelobs.com/2015/01/28/grand-cimetiere-projets-crowdfunding-avortes-257374

http://frenchweb.fr/le-crowdbuzzing-ou-abus-des-foules/77528